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Histoire de la spiritualité chrétienne
ISBN : 9782847137507
Provisoirement indisponible
Référence : ELRC_PELERI
Date de parution : 28.04.2021
Poids : 1264 Gr.
Nb de Pages : 958

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Présentation

Cette histoire est celle du peuple des chrétiens qui ont marché au cours de 2000 ans pour répandre la Bonne Nouvelle. L’auteur y offre au lecteur le trésor dont il est, sans toujours le savoir, l’héritier, en lui permettant d’ enraciner sa foi personnelle dans la Tradition vivante de l’Église qui, de l’ancien, tire sans cesse du neuf. Il lui propose de prendre pour amis des martyrs, des orants et des mystiques, des pasteurs et des missionnaires, des docteurs de la vérité et de la charité. Des saints, portés ou non sur les autels, des maîtres de la prière et de l’expérience spirituelle. Certains lecteurs y trouveront une initiation, d’autres un approfondissement, tous une information sérieuse, des pistes de réflexion et d’appropriation personnelle qui puisent à de nombreux travaux, anciens et récents. Chacun des 25 chapitres qui couvrent les deux millénaires (jusqu’ à la première guerre mondiale) retient un thème, indiqué dans le titre, et peut être lu indépendamment, même si l’ordre chronologique est préférable. Riche de sources iconographiques et musicales évoquées, cette belle synthèse invite à entrer dans le mystère chrétien de la communion des saints, à se reconnaître membre d’une Église pèlerine, d’un Peuple en marche, voyageur de l’ éternité.

plus d'infos sur l'auteur:

Robert Odile

Odile Robert est vierge consacrée. Docteur en histoire, elle a enseigné de nombreuses années l'histoire de l'Église au Séminaire de Saint-Sulpice d'Issy-les-Moulineaux et à l'Institut Catholique de Paris. Elle assure depuis 2014 le cours à distance de l'histoire de la spiritualité à l'Institut de formation Jean de la Croix. La formation permanente des laïcs lui tient particulièrement à coeur.


Description

LA PRESSE EN PARLE :



Recenseur : Charles Scrive f.m.j.

,Recension parue dans la NRT 144 / 1 (2022), page : 170



Vierge consacrée et docteure en histoire, Odile Robert nous propose un voyage à travers deux mille ans de spiritualité chrétienne. Ce parcours à la fois chronologique et thématique nous engage, chapitre après chapitre, dans une lecture croyante de l’histoire au service de l’édification spirituelle de l’Église. Ce « dialogue d’amitié entre le travail historique et la foi chrétienne » nous oblige à « réfléchir à cet entrelacement entre la spiritualité et l’histoire, entre la vie spirituelle et le temps des hommes ». « L’histoire forge notre discernement (…), elle enracine notre vie spirituelle dans la Tradition de l’Église » (p. 38).




Au fil des pages, nous prenons pour amis et compagnons des martyrs, des témoins de la charité, des priants et des mystiques, des théologiens, des missionnaires. Cette foule immense de devanciers dans la foi nous entraîne dans cette farandole ecclésiale. La disposition des chapitres permet tout à la fois une lecture chronologique et une approche thématique. On examine ainsi les débuts du monachisme, l’émergence de la spiritualité médiévale avec l’approfondissement du mystère de l’humanité du Christ (xe-xiie s.), les premières réflexions sur l’Église envisagée comme « mystère de communion » (ixe-xiiie), le renouveau de la spiritualité eucharistique après les contestations de la Réforme (xvie-xixe), le renouveau missionnaire au xixe marqué par la contribution majeure des femmes, l’abandon à la providence divine, le service des pauvres (xixe). « L’Église pèlerine appartient à l’histoire, mais elle suit le Christ, elle écoute sa Parole. (…). Elle n’a pas peur de l’histoire, des turbulences et des épreuves que celle-ci charrie » (p. 882). Cette démarche historique pourrait donc éclairer notre manière d’aborder l’actualité mondiale et ecclésiale avec foi et espérance. — C.S.


Tenir ensemble, dans un dialogue d’amitié, en un seul regard, le visible et l’invisible, le temporel et l’éternel, le charnel et le spirituel, qui ne voit le paradoxe que doit affronter l’historien chrétien? Le grand mystère de cette greffe a fasciné Charles Péguy. À l’évidence, il existe « comme un hiatus, une distance permanente, une tension inévitable » (1) entre l’histoire comme science humaine, et la réflexion théologique – ou le discernement spirituel – que l’on peut exercer sur les documents. La première s’intéresse à l’histoire du monde, la seconde à l’histoire du salut. Peut-on à la fois décrire les événements de l’histoire et parler de la Patrie céleste? La réponse, on le sait, se trouve dans le Credo: la Révélation s’est produite dans l’histoire, elle s’est accomplie dans le Mystère unique du Verbe de Dieu fait chair. C’est l’Incarnation qui insère l’éternel dans l’historique, qui entrelace le temps de Dieu et le temps de l’homme. Dieu a quitté son Ciel pour entrer dans notre histoire et y demeurer à jamais. Caché, il continue de parler et d’agir dans l’histoire du monde et de l’Église, et les biens du salut sont donnés dans le cours séculier des événements dont l’historien peut faire le récit. Il s’agit bien d’une affirmation de la foi: elle implique que les réalités historiques sont dotées d’un sens spirituel et que les réalités de la vie spirituelle peuvent être historiquement appréhendées. L’historien chrétien doit donc honorer deux approches, les distinguer et les tenir unies ensemble en un seul regard. Il lui faut accorder le travail scientifique sur les événements du passé et la contemplation d’un mystère, afin de pressentir le transcendant dans l’histoire des hommes, l’éternel dans le temps qui passe. L’Église – et la vie spirituelle qui en est le cœur battant – fait route dans le monde, elle appartient à l’histoire. Mais par sa source divine et sa finalité eschatologique, elle possède une autonomie profonde et échappe au caractère transitoire de l’histoire. Parce que le Christ lui-même se fit Pèlerin sur la terre des hommes, le pèlerinage reste l’image la plus prégnante de l’Église et de l’existence chrétienne en marche vers le Ciel, comme le signifie toute procession liturgique. Cette image tient une place centrale chez saint Augustin, puis dans toute l’histoire de la spiritualité chrétienne. La vie spirituelle est entendue ici comme la vie de l’âme, engagée dans la relation à Dieu, sous la motion de l’Esprit Saint. Elle repose sur la foi en un Dieu qui s’est lui-même révélé comme une Personne. Toute la Tradition, qui a sondé cet espace fascinant de l’âme humaine, a fait prévaloir l’adjectif spiritualis sur le substantif spiritualitas. L’adjectif, création du latin chrétien, désigne un attribut du divin, ou de l’homme habité et animé par lui, qui se laisse conduire par l’Esprit Saint. Depuis plusieurs décennies, le substantif connaît une grande for


La Nef n°374 Novembre 2024 Petite histoire de la spiritualité chrétienne


La spiritualité n’a d’autre fin que la sainteté et son histoire ne se situe donc pas au même niveau que l’histoire profane. Ce dossier fournit des pistes pour avoir une vue globale de la spiritualité catholique, pour comprendre son sens, son histoire, les grandes étapes de la vie mystique et le rôle des maîtres spirituels. par ODILE ROBERT, OV DOSSIER


La spiritualité chrétienne tune, mais souvent détaché de la théologie, et lié à l’essor des sciences humaines. Utilisée hors du sol nourricier chrétien qui l’a vue naître, cette notion a perdu son contenu clairement identifiable, et l’on n’en finit pas de faire l’inventaire de ses formes dévoyées et perverties. La « spiritualité chrétienne », en effet, ne saurait être confondue avec des réalités subjectives, d’ordre psychologique ou affectif, ni non plus recouvrir un vague syncrétisme faisant fi du Credo. Elle réside dans l’union intime au Mystère du Christ, d’où elle tient sa profonde unité. Mais l’historien se réjouit de l’extrême diversité des formes concrètes qu’elle revêt. Précisément à cause de son insertion dans le temps des hommes, elle est soumise à des variations temporelles importantes. La manière dont on prie Dieu, dont on cherche à suivre (imiter) le Christ, l’importance attribuée à la vie sacramentelle et aux pratiques pénitentielles ont subi à plusieurs reprises, au cours des deux millénaires, des modifications profondes qui ont re - composé le paysage spirituel collectif. La vie spirituelle, tant individuelle que collective, est un édifice riche et complexe, incom - préhensible si on ne le connecte à l’Écriture telle qu’elle est lue, à la théologie telle qu’elle est enseignée, à la liturgie telle qu’elle est célébrée, aux formes concrètes de piété que l’Église promeut, que la prédication et les images diffusent. Incompréhensible si on l’isole de la vie sociale et culturelle et, bien sûr, de l’histoire de l’Église. Il est passionnant de faire entrer en synergie ces réalités fort diverses. L’histoire universitaire du XX e siècle a traité une masse de documents extrêmement variés et produit une multitude de travaux passionnants. L’expérience intime, personnelle de la prière, est la fine pointe de cet édifice. N’est-elle pas l’éternité au cœur du temps ? L’historien n’a pas le pouvoir de forcer les cœurs, mais il sait à qui l’orant s’adresse – Dieu, le Christ, la Vierge, les saints –, il connaît les temps et les lieux de la prière, souvent il peut en scruter les gestes et les paroles. Il peut parfois déceler, audelà des mots, la ferveur des sentiments d’adoration, d’amour ou de contrition et la puissance des émotions. Dieu a besoin du temps ! Qu’apporte donc le regard de la foi au travail de l’historien? Certes, celui-ci perçoit les rela - tions logiques qui donnent un certain sens, an - thropologique, socio-culturel, religieux même, aux faits qu’il étudie. Mais la foi projette une lumière qui permet de se diriger dans le pay - sage touffu des événements, de repérer les lignes de crête, de suivre les courants qui, sur la longue durée, irriguent toute la vie de l’Église. Elle permet de prendre l’altitude suffisante pour trouver un surcroît de sens à une histoire pourtant encore inachevée. « Ce sens, la foi ne l’impose pas, car Dieu seul sait, dans sa divine Providence, par quels chemins concrets le Royaume se construit ici-bas, mais elle le suggère et l’autorise ». Tout chrétien peut y puiser aujourd’hui un immense bienfait spirituel. Lorsque l’on surplombe le paysage de l’histoire dans le « clair-obscur de la foi » (Balthasar), on assiste à un déploiement progressif des virtualités contenues dans le message chrétien. Il se produit à un moment donné, dans des circonstances singulières, sous l’action de la grâce qui travaille le Magistère et le cœur des fidèles, en réponse aux besoins qui se font jour, aux défis que l’Église rencontre. Car Dieu, le Maître de l’histoire, fait les choses au « temps fixé » (Rm 5, 6), il fait advenir chaque chose « en son temps » (Qo 3, 11), et il en ira ainsi jusqu’au dernier Jour, celui de la récapitulation ultime de toutes choses dans le Christ (Ep 1,10). Ce déploiement concerne l’inépuisable richesse du Mystère du Christ (Ep 3). Pendant le premier millénaire, à la suite les martyrs et des Pères de l’Église, les chrétiens ont contemplé le Christ en gloire, puis la gloire de la croix. Au tournant des deux millénaires, ils ont été mis en contact vivifiant avec le Jésus de l’histoire, ils sont devenus peu à peu familiers de l’humanité de Jésus. Le regard s’est déplacé du Christ en gloire au Crucifié sur le bois pour le salut des hommes. Le deuxième millénaire n’a cessé de méditer ce mystère de la Rédemption: Passion, Saintes Plaies, Sacré Cœur. Et, corrélativement, la présence eucharistique de Jésus et sa présence dans nos âmes. L’importance prise par la méditation de la Croix a suscité un approfondissement historique décisif. Le disciple du Christ est appelé à le contempler dans sa passion et à découvrir le sens de sa propre souffrance et de sa mort. Liées de façon neuve et indestructible à l’amour, elles font partie du mystère de l’homme, de la grandeur spirituelle de la Personne. Que d’écrits théologiques et mystiques, de méditations et de prières liturgiques et privées, de poèmes et d’images, du Moyen Âge et des temps modernes, ont éduqué les âmes à aimer la Sainte Croix et à « bien mourir », mais aussi à « réaliser » – faire comprendre et rendre réelle – la fécondité de la mort par amour, et à en vivre au cloître ou dans la vie ordinaire ! Les âmes et les corps ! Car l’histoire rappelle avec force et profonde actualité que l’élévation de l’âme est inséparable de l’oblation du corps. Les pratiques pénitentielles ont varié, certaines d’entre elles peuvent être équivoques, erronées, ou simplement désuètes. Mais la foi va au noyau permanent de vérité que toute ascèse chrétienne comporte depuis les origines : l’offrande sacrificielle de soi, qui est toujours partage de la Croix du Christ et compénétration des larmes et de la consolation, rencontre bienheureuse de la douleur et de la joie. François d’Assise en est un exemple lumineux. La dévotion au Christ s’est donc progressivement enrichie. Les accents différents, qui la colorent au cours de l’histoire, ne s’excluent pas les uns les autres, mais en font resplendir toutes les facettes. Sous l’action de l’Esprit Saint, la plénitude du Mystère du Christ, le Verbe incarné, ne cesse d’être mis en lumière de façon neuve, actualisé pour l’Église et le monde. Lorsque nous contemplons aujourd’hui le Cœur de Jésus comme mystère de la Miséricorde, c’est de cet immense héritage que nous vivons (4). Le développement des mystères de la Vierge Marie fournit une preuve corrélative, remarquable, de ces richesses toujours nouvelles tirées de la Révélation. Elles se déploient, telles les arches d’un grand pont: maternité divine, virginité perpétuelle, Immaculée Conception, Assomption (5). Il est bon de souligner que la Tradition vivante, dont l’Esprit Saint est le maître d’œuvre, se construit dans la complexité des situations et des comportements humains. « L’inutile, le superflu se détache de lui-même et l’essentiel rejaillit en vraie vie » au temps opportun (6). Le neuf surgit, imprévisible, vigoureux et fécond, il se rattache à l’ancien, sans jamais pour autant, purement et simplement, y ramener. Et la nouveauté mise en lumière contient toujours la promesse d’un nouveau mystère (7). L’histoire illustre la parabole évangélique sur la croissance des fruits de la terre « d’abord le brin d’herbe, puis l’épi, puis le grain mûr dans l’épi » (Mc 4, 28). Croissance et unité, ensemble. L’éternité dans le temps « Viens et suis-moi » (Mt 19, 22). L’imitation de Jésus est la grande « loi secrète » de l’histoire. La sainteté assure la présence vivante du Seigneur à l’histoire des hommes, elle est Incarnation continuée, imitation de Jésus qui se poursuit tout au long de l’histoire, tendue vers les réalités ultimes (8). Seul le regard croyant la discerne affleurant dans l’Église pérégrinante. Elle donne corps à la surnaturelle fécondité de la miséricorde dont l’Écriture dit qu’elle est pour toujours et s’exerce d’âge en âge (Ps 89, 1). En effet, la foi suggère que Dieu donne tout ce qui convient à chaque époque. D’en haut, il répond à nos besoins d’en bas, en suscitant une multitude de saints, reconnus ou non.


La spiritualité chrétienne 18 La Nef n°374 Novembre 2024 « L’imitation de Jésus est la grande “loi secrète” de l’histoire. » formes variées de vie consacrée. L’amour de Dieu, l’efficacité de la grâce impriment au cœur des croyants et de l’Église cette énergie de la miséricorde, vivante et sans cesse neuve. Elle agit d’abord au-dedans de nous, puis de l’intérieur vers l’extérieur et autour de nous. Aux besoins et aux questions brûlantes d’une époque, l’Esprit Saint donne une réponse opportune et la solution « jamais sous la forme d’un traité abstrait, presque toujours sous la forme d’une mission nouvelle, concrète, surnaturelle, en faisant surgir un saint qui présente d’une manière vivante à son temps le message du ciel, l’explicitation opportune de l’Évangile, l’accès spécial – accordé à ce temps – à la vérité du Christ qui est de tous les temps. […] Tous les saints, comme des volcans en éruption, font sortir une lave ardente de la profondeur suprême de la Révélation, et démontrent irréfutablement […] la brûlante actualité du Seigneur vivant » (9). Au VIe siècle, au seuil du millénaire médiéval, Dieu donne Benoît de Nursie et ses disciples à l’Europe rurale, encore barbare et païenne. Au XIIIe siècle, il donne François d’Assise et Dominique de Guzman à l’Europe marchande en voie d’urbanisation pour prêcher la pauvreté évangélique. À l’aube des temps modernes, à l’époque des grandes découvertes, Dieu suscite Ignace de Loyola et Thérèse d’Avila pour ouvrir les grands espaces de la vie intérieure, et François de Sales pour plaider la cause de la sainteté vécue dans le monde; puis Vincent de Paul et ses nombreux fils et filles pour donner à la fois le pain du corps et le Pain du ciel aux miséreux. Au XIXe siècle, comme par le passé, Dieu donne des missionnaires, hommes et femmes, en grand nombre, pour évangéliser la France rurale et les cinq continents. Et sa Mère elle-même en de multiples apparitions sur le sol de France. À la fin du XIXe siècle, au moment où triomphent l’incrédulité et le positivisme scientiste, Dieu suscite Thérèse de l’Enfant-Jésus pour s’asseoir à la table des pécheurs, pour vivre dans une confiance inconditionnelle le drame de la nuit de la foi au plus profond d’elle-même, et nous apprendre la miséricorde. L’Église ne manque jamais de saints « pour la faire resplendir pure et belle, de saints capables de s’ouvrir aux préoccupations du monde et de l’attirer au Christ » . Cette « loi de la miséricorde » (G. Bédouelle) anime l’immense mouvement d’évangélisation missionnaire constitutif de la vie de l’Église. Dans la quête intérieure de Dieu, dans le secret de la contemplation, se forge la vie apostolique, avec ses œuvres extérieures multiformes, qui est une forme éminente du service du prochain. Celui-ci naît de l’expérience spirituelle, et est vécu lui-même comme une expérience spirituelle. Tant et tant de missionnaires, hommes et femmes, ont donné ainsi le témoignage exemplaire d’une vie à la fois ardemment contemplative et profondément incarnée. On demeure confondu par l’immense travail d’évangélisation qui fut réalisé dans les temps modernes, pendant trois siècles, en Occident et au-delà des mers, par d’innombrables congrégations d’hommes et de femmes au service des pauvres. Mise en œuvre audacieuse et exigeante de la loi de la miséricorde! De l’Église, nous recevons un trésor L’histoire de la spiritualité met à la disposition du chrétien d’aujourd’hui un immense trésor spirituel. L’enracinement n’est-il pas un besoin fondamental de l’âme (Simone Weil) ? Notre héritage est un trésor reçu de l’histoire vécue, qu’à notre tour nous devons vivre au présent, « comme une force pour avancer sur des chemins toujours nouveaux » (11). L’histoire ne consiste pas à collectionner des choses ou des paroles mortes ; elle contribue puissamment à l’intelligence de la Tradition, comme continuité organique de l’Église, ce « grand fleuve vivant qui nous relie aux origines et nous conduit aux portes de l’éternité » (12). Dans l’Église, de l’Église, nous recevons les biens du salut qui nous enfantent à la vie : la Sainte Écriture, le mystère de l’amour trinitaire, Jésus, Marie, la liturgie et les sacrements. La foi, les mots pour la confesser avec justesse, les diverses formes de piété chargées d’allumer et La Nef n°374 Novembre 2024 19 « L’importance prise par la méditation de la Croix a suscité un approfondissement historique décisif. »


Entretenir la ferveur de l’amour. Ainsi expérimentons-nous sa maternité. Mais le principal obstacle est que ce trésor repose dans l’Église, est reçu de l’Église, dont on regarde trop souvent l’histoire comme un fardeau! Sans doute l’Église doit-elle reconnaître ses erreurs et ses fautes objectives, et en demander pardon: avec courage, les derniers papes ont multiplié les initiatives de repentance. Mais n’est-ce pas les fils de l’Église qui commettent le péché, et non la « sainte Église », comme l’appelait Catherine de Sienne ? L’obstacle majeur à une lecture croyante de l’histoire est bien le mystère du mal commis par ses membres, y compris les plus éminents. C’est pour cela qu’elle est semper reformanda, qu’elle doit continuellement s’ajuster aux exigences de l’Évangile. Bannir un spiritualisme utopique Il nous faut bannir la tentation, récurrente et très actuelle, d’un spiritualisme utopique qui cherche le contact vivant au Christ hors de la médiation concrète d’une Église visible. Les derniers papes n’ont cessé de rappeler qu’il n’y a pas de relation dialectique entre les deux dimensions, temporelle et spirituelle, de l’Église catholique. Car la structure hiérarchique elle-même vit de l’Esprit Saint; elle fait sienne l’histoire des hommes pour leur offrir, dans la vie sacramentelle, la présence du Christ, dont elle est le Corps. Sans cette incarnation dans l’histoire, elle ne pourrait remplir sa vocation spirituelle. « Elle est donc toujours, en même temps, une Église de pécheurs et un lieu de grâce » (13). « Les chrétiens résident chacun dans sa patrie, mais comme des étrangers domiciliés. […] Ils passent leur vie sur la terre, mais sont citoyens du ciel. […] Si noble est le poste que Dieu leur a confié qu’il ne leur est pas permis de déserter » (14). Ces lignes de l’Épître à Diognète, un petit écrit anonyme de la fin du IIe siècle, nous viennent du monde païen, du temps des persécutions, aux origines de notre histoire. Elles sont contemporaines du Journal de Perpétue, une jeune mère, martyre à Carthage en 203. Elle y rapporte la vision merveilleuse qu’elle a eue dans son cachot: le dragon, l’échelle sainte, les portes ouvertes du jardin, le Pasteur au milieu d’une foule en vêtements blancs, la nourriture céleste. Plus rien n’était alors à espérer de ce monde-ci! L’épreuve de Perpétue trouve son sens dans une histoire du salut qui dépasse sa propre personne, dans une vision neuve et pleine d’espérance du temps. Dès l’Antiquité, les chrétiens comprirent qu’ils étaient appelés à vivre leur foi dans le monde sans s’affranchir du caractère temporel de leur existence, mais à la vivre selon l’Évangile, au risque du martyre. La mort fut embrassée comme une assimilation au Christ dans son mystère pascal, une mise en contact avec la fin (eschaton) – le grand combat eschatologique et la récompense promise. Elle fut confession de la Patrie éternelle et proclamation de la liberté de la conscience – support indispensable de la vie spirituelle chrétienne (15). Comment avancerions-nous sans le courage et le zèle des saints martyrs de tous les temps ? Dans la confusion actuelle, comment avancerions-nous sans les saints pasteurs et docteurs de l’Église qui montrent le chemin, non de façon spéculative, mais incarnée ? N’avons-nous pas un besoin pressant de maîtres de prière, de docteurs de l’expérience spirituelle pour comprendre les ressorts de notre vie intérieure, éclairer notre conscience, mener le combat spirituel ? Nous apprenons des saints non seulement les mots qui sortent des lèvres, mais surtout les sentiments de confiance, d’audace, d’amour qui accompagnent toute vraie prière, et encore la vie qui plaît à Dieu. « Nous tenons dans nos mains leur héritage » (G. Bernanos). Ce trésor que nous recevons de l’Église nous est gracieusement offert dans la communion des saints. Benoît XVI aimait à rappeler que, dès l’Antiquité, les chrétiens ont dû surmonter leurs différences en tous genres pour réciter le Notre Père. Toute prière catholique, même la plus intime, dit-il, est un exode de notre moi vers le tu de Dieu et le nous des frères. En Église, nous recevons la vie et nous la donnons (16). Il y a un millénaire, saint Pierre Damien (+1072), ermite puis cardinal au service actif de l’Église, avait développé ce thème si fécond: l’orant, qui fait l’expérience à la fois de sa solitude intérieure et de la communion spirituelle, est en vérité l’Église en miniature, une « micro-Église » (minor Ecclesia). Ainsi vécu, en Église, le don fait à tel ou tel, une fois pour toutes, devient le bien propre de tous, mon bien propre. Notre vie spirituelle repose sur la circulation de la grâce dans l’Église. Nous pouvons en faire l’expérience dans la lecture spirituelle, dans le dialogue et l’amitié spirituelle, dont l’histoire ne cesse de nous offrir des exemples. La grâce fait de nous un Corps vivant, elle traverse les siècles, nous rendant frères et sœurs, amis d’innombrables chrétiens des siècles passés, solidaires d’une histoire cachée qui échappe au temps des hommes. Pourquoi chercher ailleurs ce que l’Église, qui n’est point « Dans la confusion actuelle, comment avancerions-nous sans les saints pasteurs et docteurs de l’Église ? » La Nef n°374 Novembre 2024 21 chiche, nous offre en surabondance ? « Cor ad cor loquitur » (« Le cœur parle au cœur »): belle expression empruntée à François de Sales par le cardinal Newman pour en faire sa devise! Saint John Henry Newman fut un amoureux de l’histoire, et un veilleur tendu vers les réalités ultimes. Il a beaucoup à nous apprendre. Il vénérait et aimait les martyrs, les saints de la vérité et de la charité, qui forment l’avant-garde de l’Église pèlerine, que l’on chante dans les litanies. Il aimait aussi l’immense troupe des croyants simples, des humbles baptisés qui portent en eux l’image de Jésus et avancent comme ils peuvent vers le Royaume où sera dévoilé le secret de leur vie spirituelle. Newman invite enfin à considérer le rôle crucial de ces « minorités actives » qui, de siècle en siècle, de main en main, font circuler le flambeau, la divine lumière dans un monde de ténèbres. Dans un sermon de Pâques, il tire une vérité permanente de sa contemplation de l’Église naissante : « Jésus fit le choix de quelques-uns, d’un petit nombre. Des compagnons fidèles, des amis intimes, un noyau de personnes résolues, intrépides et ardentes, allant de l’avant à travers les épreuves et capables d’un témoignage persévérant. Ainsi, avec la force de l’Esprit, les Douze ont renversé la puissance des ténèbres et fondé l’Église du Christ. Envoyés comme des agneaux au milieu des loups, ils ont remporté la victoire. Dieu fit donc d’un petit nombre le moyen de transmettre ses bienfaits à tous. Un petit nombre peut accomplir de grandes œuvres » (17). L’historien connaît bien, par exemple, les nombreux groupes de laïcs, hommes et femmes, « amis de Dieu » qui, lors de la crise majeure que traversa l’Église d’Occident à la fin du Moyen Âge, furent animés d’une soif ardente de vivre l’Évangile. Ils puisèrent en eux-mêmes, dans leur cœur, les forces spirituelles nécessaires pour vivre de façon héroïque la réforme de l’Église. Leur ferveur, dont témoigne L’imitation de Jésus-Christ, a irrigué l’Église entière et préparé en profondeur la grande Réforme catholique des siècles suivants. Le chrétien ne saurait avoir peur de l’histoire. Il doit chasser la culpabilité systématique, et s’instruire en cherchant la vérité hors des caricatures médiatiques. Quand il converse avec le passé, il entre en dialogue avec des hommes et des femmes, portés ou non sur les autels, qui ont assuré une présence permanente du Christ dans l’histoire et l’ont imprégnée à jamais de sa bonne odeur. Peu à peu il s’en fait des amis, des frères, des sœurs, et rejoint lui-même ce « chemin ininterrompu de lumière » qu’ils ont tracé (Benoît XVI). Il se hisse sur leurs épaules pour pouvoir regarder devant, loin devant, avec espérance, pour « soulever le monde » à leur tour (18). Car les saints éclairent, réchauffent et soulèvent le monde. Odile Robert, ov Odile Robert est docteur en histoire et l’auteur de L’Église pèlerine. 


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